Elle avait entendu parler d’un groupe qui se rendrait dans les sources chaudes et à l’évocation de cet endroit, les frissons parcouraient encore le corps de Keira. Elle souriait bêtement en se rappelant le baiser qu’elle avait échangé avec Caleb et avait presque envie de s’enfuir à cet endroit pour tenter de le retrouver. Mais il y avait Damian et il lui avait proposé un moment ensemble, il lui avait dis qu’il serait disponible si elle le souhaitait, qu’il était prêt. Mais l’était-elle réellement ? Il y avait bien eu ce court moment lors de la soirée où ils s’étaient retrouvés quasiment comme avant, et puis elle avait fermé les yeux sur ses fréquentations et il l’attendait. Mille fois, elle avait eu envie de faire demi-tour alors que ses pas la menaient incontestablement vers la patinoire. Serait-elle vraiment prête, un jour, à affronter la réalité si dure ? Et puis il était là, faisait l’idiot sur la glace et elle sourit avant de fixer son visage. Et elle apercevait pour la première fois les différences qui les séparaient, et petit à petit, il devenait plus étranger encore. La peur avait envie de parler et de prendre possession de son corps tout entier, elle avait envie de faire demi-tour avant qu’il ne l’aperçoive, elle avait envie de trouver une excuse imbécile à son absence et lui avouer plus tard, qu’elle avait eu un empêchement. Alors, il ne se passerait rien de plus et à nouveau, elle pourrait oublier les secrets et vivre dans une vie de mensonges, encore.
Pourtant, ce fut son rire qui l’attira, celui la même qu’elle connaissait par cœur, celui-là même qui faisait chavirer son cœur et pour lequel elle donnerait sa vie. Alors, elle s’approcha un peu plus et lui lança « Tu n’as vraiment aucune grâce ! » Il avait l’air tellement idiot sur ses patins qu’elle esquissa un sourire avant de partir en direction du stand pour changer ses propres chaussures avant de revenir sur le bord où se trouvait désormais Damian qui l’attendait, le sourire aux lèvres. Ce sourire qui la faisait chavirer de bonheur et pour lequel elle oublia les secrets qui les entouraient et les disputes récentes, pour lequel elle se lança à son tour « Donnes moi la main, mais ne me fait pas tomber ! » Elle tendit sa main vers Damian et attendit qu’il la prenne, lui permettant d’entrer en douceur sur la glace, mais aussi, de sceller leurs retrouvailles.

Il lui avait manqué, c’était indéniable. Son regard et ce sourire qu’il ne réservait qu’à elle, sa façon de se mouvoir qui lui rappelait gracieusement les siens et malgré les secrets qui avaient pu les séparer plusieurs longues semaines, elle ne pouvait voir qu’en lui le frère qu’il avait été et serait toujours. La Serpentard était tapie dans un coin, à l’observer, elle l’écoutait parler et le son de sa voix familière l’attira. Elle l’entendait rire et cette douce mélodie lui appelait qu’il était le seul à pouvoir répondre à sa tristesse et la comprendre. Comment avaient-ils pu s’éloigner autant, comment la vie de l’autre avait-elle pu devenir si étrangères en un instant ? S’il était le fruit d’un mensonge, leur relation l’était-elle à son tour ? Keira ne savait plus quoi penser, elle n’entendait plus les appels et elle espérait qu’en s’éloignant, il ne lui arriverait plus de mauvaises nouvelles, qu’elle oublierait la famille meurtrie dont elle était issue, qu’elle porterait un moins lourd fardeau que le secret qui les entourait encore. Et face à lui, elle se sentait minuscule, se rendant compte qu’elle avait besoin de lui plus que jamais, de sa présence à ses côtés et qu’elle avait envie de lui parler de ce baiser qui l’avait transcendé, de cette présence dont elle avait envie encore et encore et qu’il serait là, à la conseiller et à lui ouvrir les yeux. Un dernier regard vers Henry qui quittait les lieux et elle enfila ses propres patins avant de tendre la main vers son frère dont la gaucherie la faisait rire. Ce contact valait tous les mots, cette main tendue était le signe d’une réconciliation certaine et elle le sentait au fond d’elle-même. « Admires la divinité » elle lui lança un clin d’œil avant de tenter de se souvenir comment gérer son corps tout entier et les glissades sur la glace, elle fronçait les sourcils par la concentration et si parfois, elle lâchait la main de son frère pour s’entrainer, elle la reprit bien vite, savourant l’air glacial sur son visage et le contact si chaud de Damian. Elle riait comme elle ne l’avait plus fait, elle était différente et enfantine, ses yeux brillaient de malice et elle avait envie de rire encore, mêlant la douce mélodie de sa voix à celle, désormais plus rauque et adulte, de l’héritier. Les compliments qu’il lança la firent sourire et elle tourna la tête légèrement vers lui avant de lancer « La grâce que tu n’auras jamais ! Regarde comme tu te tiens ! » Elle avait souvent ri de sa gaucherie quand il la taquinait de son menton levé et de son dos bien droit. Elle avait cette fierté du sang jusqu’à son comportement et lui enviait bien souvent d’avoir grandit avec plus de recul. Les minutes défilèrent hors du temps, des énigmes et de la réalité qui les rattraperait bien vite. Des minutes qu’elle croqua jusqu’à ressentir le contact glacial du sol sur le bout de peau qui le rencontra. Elle grimaça de douleur sous l’effet de la chute avant de rire de bon cœur, une fois encore. « Tu m’entraineras dans ta chute, quoiqu’il arrive » Et son rire se tue comme il était venu, se redressant légèrement, elle l’écouta la remercier et lui avouer surtout, combien elle lui avait manqué « Ne me remercie pas trop vite ... Je ne suis jamais loin de toi, tu ne pourras pas vivre tranquillement ta vie aux côtés de Pansy sans que je sois dans les parages » Elle grimaça avant de le fixer avec ce demi-sourire dans lequel il pouvait lire tant de choses. Il aurait pu mal tomber, elle appréciait un peu plus Pansy que quelques années auparavant et elle ne l’imaginait pas avec les cheveux flamboyants d’une Gryffondor ni avec la fougue d’une Serdaigle.  

Elle aurait voulu le retrouver pour de bon et sentir comme rien n’avait changé entre eux, elle aurait souhaité qu’il se confie à elle comme ils l’avaient toujours fait. Se Keira se leurrait souvent sur ses propres émotions et sa propre vie, elle était bien plus consciente de ce qui se tramait pour son cadet. Il était l’homme et celui qui ferait perdurer un nom. Si elle était longtemps revendiqué cette place d’aînée, si elle avait rêvé de gloire et de réussites professionnelles, se voyant sur le haut du podium, elle avait fini par comprendre qu’elle n’était que le lien entre deux familles. En plus de perdre son nom, elle perdrait le regard bienheureux de son père et permettrait simplement à deux familles d’être unies. Damian, en plus de ce rôle, avait sur les épaules la gloire du nom. Ils étaient élevés depuis leur naissance à ce qui les attendait, à ce chemin tout tracé semé de secrets et de trahisons. Alors, naïvement, elle avait toujours cru que Damian serait différent et qu’il lui permettrait de voir la bonté chez les autres mais surtout, qu’aucun secret ne les trahirait. S’il n’était pas le plus heureux quant à sa relation avec Arthur, il l’avait couvé un temps assez long pour qu’elle puisse découvrir les sensations de bonheur qui l’habitaient alors et les bulles au creux de son ventre qui l’avaient émoustillées. Aujourd’hui, il avait perdu ce regard complice dans lequel elle se plongeait pour se sentir en sécurité.

Et plus le temps passait, plus elle savait qu’il serait compliqué de lui dire mais aujourd’hui, elle ne pouvait passer au-dessus de cette boule qui se formait au creux de son ventre et qui restait coincée dans sa gorge, elle n’avait pas le courage de passer outre ses peurs. Alors même si elle riait à le voir tomber et si elle appréciait sentir son souffle chaud lancé entre deux rires sur sa joue glacée, elle savait qu’une barrière invisible les séparait encore. La perspective du mariage arrangé entre Pansy et son frère ne lui plaisait pas vraiment et alors, toute tentative de réconciliation serait plus compliquée encore. Elle n’imaginait pas la vipère aux côtés de son frère, elle n’espérait pas pour lui une vie de ragots à moins que ce ne soit simplement que la jalousie d’une fille bien trop coincée pour oser s’affirmer ? Elle avait craché sa rancœur d’une manière à ce qu’il comprenne qu’elle espérait qu’il se rebelle et fut surprise de le voir prendre sa main pour lui poser une question, celle qu’elle n’attendait pas. Alors il abandonnait et ne se battait pas, était-il vraiment heureux de cette situation ? Était-il empli lui aussi de secrets tellement inavouables qu’il sacrifiait une vie entière aux côtés d’une fille qui ne lui correspondait pas ? Elle restait silencieuse alors même qu’il tentait de négocier un rôle qu’elle n'avait jamais imaginé tenir, pas maintenant.

Ils en étaient là, si adultes à présent qu’ils ne pensaient plus qu’aux mariages, si loin de l’enfance que toute innocence s’était envolée. Regrettait-elle le mariage de son frère ou sa vie à elle bien trop banale et bientôt totalement rangée ? Si elle esquissa un sourire, son regard ne disait pas la même chose et, naturellement, prise au piège de cette fatalité, elle lui répondit doucement « Bien sûr que j’accepte ! Personne d’autre que moi ne pourra tenir mieux ce rôle ! » Elle le pousse légèrement de l’épaule et lui demanda « Je dois t’adresser mes félicitations alors ? » Elle n’explosait pas de joie mais elle savait se tenir, assez pour ne pas lui faire de la peine et briser ce qu’il restait de leur relation bancale.
 

Il allait se marier et une boule se créa tout au creux de son estomac parce qu’elle le savait, elle allait le perdre, définitivement. La jalousie l’avait emporté mais pour ne pas lui faire de la peine, elle souriait. Cette jalousie de ne vouloir son frère que pour elle seule, cette jalousie de ne vouloir voir dans son regard que l’amour qu’il avait pour elle et l’envie d’être à ses côtés pour lui raconter tous ses secrets, comme quand ils étaient petits. Ils étaient grands désormais et presque adultes, mais pourtant, elle avait toujours pensé qu’il resterait le petit garçon qui venait se lover dans ses bras pour lui raconter combien il avait le cœur lourd ou bien sautillant jusqu’à sa chambre pour exploser de rire en lui racontant sa dernière aventure. Keira et Damian, c’était la fusion fraternelle depuis toujours, c’était le sourire béat de la grande sœur lorsqu’elle avait posé le regard sur lui pour la toute première fois, bien trop petite pour s’en souvenir. C’était la main de la grande sœur dans celle du petit frère pour le protéger de ses peurs les plus enfantines aux monstres de la nuit le dévorant tout entier. Quand ses yeux se posaient sur Damian, elle le voyait encore tout petit, se glissant sur le sol froid une nuit d’hiver pour terminer la nuit avec elle et sentir son petit cœur battre d’espoir. Alors elle resta muette lorsqu’il était question de félicitations parce que même si elle n’approuvait pas ses histoires passées avec – elle le pensait – beaucoup trop de filles différentes et communes, elle était persuadée que ce mariage avec Pansy n’était pas la solution et qu’elle le rendrait malheureux, quoiqu’il arrive ou ne pense. Pansy avait partagé son dortoir pendant assez d’années pour qu’elle pense la connaitre mieux que le lion, Pansy avait partagé assez de secrets avec Keira pour que celle-ci finisse par penser la connaitre par cœur, au détour d’un rire innocent d’adolescente en passant par l’envie de blesser celui qu’elle tenait entre les mains. Et elle voulait le meilleur pour son frère. Elle serrait les dents mais souriait toujours, crispant sa mâchoire, comme pour se donner contenance ou pour le rassurer, comme pour ne pas briser entre eux ce micro lien qui venait de se créer à nouveau. Le silence qui les enveloppait désormais semblait pesant et ce fut Damian qui proposa le premier une ouverture : aller se réchauffer en ville. « Oh j’ai entendu dire qu’ils avaient quelque chose de magique leurs chocolats ! » La perspective d’un après-midi en compagnie de son frère la réchauffait avant même de boire ce chocolat chaud, elle serra sa main avant de se redresser et la serrant un peu plus tout contre la sienne, elle se laissa guider. Cette fois, elle souriait vraiment.

fin