Ça fait quelques jours – pour ne pas dire semaines que l'idée lui trotte dans la tête sans qu'elle ne fasse rien pour la mettre à exécution. Finalement, Ethel a vu dans les vacances l'occasion de se plonger dans ses recherches. Si elle a retrouvé le moral, ce n'est pas le cas de sa peinture et en ces temps artistiques troubles, elle a besoin de focaliser son attention ailleurs, et c'est tout naturellement qu'elle s'est dirigée vers sa famille. Elle n'a rien communiqué de ses intentions à quiconque : ses parents hurleraient, Flynn l'en empêcherait sans doute, et Abi, Ethel n'avait aucune idée de la façon dont elle pourrait réagir, et c'est pourquoi elle gardait le secret. Elle ne compte toutefois pas y arriver seule, elle a longtemps hésité à en parler à Eris pour lui demander de l'aide mais dans un premier temps, l'aiglonne préfère mener ses recherches de son côté et voir où ça la mène avant de creuser plus profondément. C'est Ruben qui l'a mise sur cette piste, ancien poufsouffle rencontré quelques jours plus tôt et qui avait cherché à avoir des nouvelles de son jumeau, mais elle-même n'ayant pas communiqué avec Ezra depuis des mois – pour ne pas dire années – c'est presque mission impossible de savoir comment il va, où il est, ce qu'il fait, et c'est pourquoi elle s'est mis en tête de le retrouver coûte que coûte. Ce nouvel objectif la galvanise, elle s'y accroche tellement fort qu'elle ne se soucie même plus des regards ou des remarques de ses parents. Il n'y a que son jumeau qui compte, et son désir de le retrouver. Alors, le soir de son retour au manoir Ponds, et dès la fin du repas, Ethel s'enferme dans sa chambre et s'installe sur son lit, étalant tout un tas de papiers devant elle. Des indices, des lettres, des parchemins avec des pistes à suivre, des photos, un vrai travail d'investigateur. Seulement, elle ne sait pas vraiment pas par où commencer, Ethel. Elle n'arrive même pas à se souvenir de la dernière fois qu'elle a été en contact avec Ezra, alors le retrouver sera sans doute une entreprise difficile, mais elle a de la ressource, et elle compte bien arriver à ses fins. Elle est songeuse, se remémorant sa conversation avec Ruben et n'entends même pas les coups frappés à sa porte. Avec le temps, elle a l'impression d'oublier le visage de son jumeau, et cette idée l'effraie autant qu'elle lui fait mal. Il a été si important et la rupture a été si brutale qu'elle a du mal à se rappeler leurs derniers moments heureux ensemble. Et elle compte bien remédier à ça en le ramenant dans sa vie, même si pour cela elle doit se battre avec sa fratrie, ses parents, et le chercher à l'autre bout du monde. Un mouvement près d'elle l'arrache à ses pensées, et la sorcière sursaute alors que son regard s'accroche à celui de sa sœur cadette, assise au bord de son lit. « Abi ? Je ne t'ai pas entendue entrer je suis désolée, je suis épuisée. » elle ment, les feuilles disposées sur son lit en sont la preuve et alors qu'elle s'apprête à cacher ses recherches, Abigael la devance en prenant l'un des parchemins pour le parcourir des yeux. « Tu voulais quelque chose ? » l'empresse-t-elle pour tenter de la distraire et de la détourner de ce qu'elle pourrait lire mais ses tentatives sont vaines, sa sœur a déjà découvert ce qu'elle fait. « Abi... » commence-t-elle avec lassitude, déjà fatiguée de mener une guerre contre sa sœur quand elle allait devoir en mener une contre son frère. Elle se relève elle aussi et d'un coup de baguette, elle réunit tous ses papiers pour les garder précieusement avec elle et éviter que Abi ne les lui prenne. « Oui je le cherche, Abi, pourquoi c'est si surprenant ? » en dépit du bannissement et de la distance imposée par leurs parents, il reste leur frère, et les liens du sang ne peuvent pas être jetés à la poubelle comme ça. Elle sait, pourtant, qu'elle a souffert de son départ. Elle a souffert comme jamais elle n'aurait cru souffrir et sûrement que ses frères et sœurs veulent la protéger d'une nouvelle déception, mais elle a besoin de savoir s'il va bien, ce qu'il fait et ce qu'il est aujourd'hui. Le souffle court, elle pose les mains sur son bureau, dos à sa sœur, et se fige à la réflexion de celle-ci. Elle se tourne lentement vers elle, une étincelle de douleur dans les yeux. « Comment tu peux en être aussi sûre ? Il est parti parce que maman et papa l'ont abandonné » ezra aussi les a abandonné, mais elle se garde bien de le préciser. « Peut-être que les choses sont différentes aujourd'hui. Peut-être... Je sais pas, peut-être qu'il veut revenir. » elle a besoin d'y croire, Ethel, besoin de quelque chose à quoi se raccrocher, et tant pis si c'est à un fantôme qu'elle s'accroche. « Je comprends pas comment tu peux être aussi indifférente à la situation. C'est notre frère, quand est-ce que tu as eu de ses nouvelles pour la dernière fois ? Tu n’as pas envie de savoir s'il va bien ? » Elle a sûrement l'air d'une folle, Ethel, mais ce projet lui tient à cœur, et rien de ce que pourra dire Abigael ne pourra la faire changer d'avis, peu importe à quel point elle essaie de la blesser.

Ethel ressent une tension dans l’air à la mention d’Ezra, et ça l’ennuie d’avoir à se justifier, d’avoir à se fâcher avec sa sœur sur un sujet aussi important et délicat. Elle comprend que ses intentions ne sont pas méchantes, mais elle ne peut pas s’empêcher d’être en colère contre elle et puisqu’elle n’a pas l’intention de laisser tomber, le désaccord entre elle est inévitable. Elle écoute Abi déblatérer avec une pointe de tristesse et de frustration parce qu’une part d’elle sait que sa sœur a raison, mais elle ne veut pas l’admettre, ni abandonner. Elle garde le silence quand sa cadette lui rappelle que son jumeau est parti sans se retourner en appuyant sur la façon dont il les a abandonnés. Elle le sait, Merlin qu’elle le sait, sûrement mieux que quiconque parce qu’elle est celle qui a le plus souffert de la situation quand elle a eu l’impression de perdre une part de son âme, mais en dépit de tout ce qu’il s’est passé, il reste son frère, et il lui manque. Ethel déglutit difficilement, le regard fixé sur le sol en essayant de rassembler ses pensées et de réprimer sa colère grandissante. Elle n’a aucune envie de se disputer avec sa sœur, mais celle-ci ne lui laisse pas d’autre choix. « C’est vrai qu’il nous a abandonné. » elle lâche avec difficulté, la gorge légèrement nouée. « Mais ce n’est pas parce qu’il la fait que moi je peux le faire aussi. Il est parti mais je ne peux pas accepter de ne pas savoir. » depuis qu’Ezra est parti, elle a l’impression qu’il lui manque des petits bouts d’elle, et elle a longtemps tenté de l’ignorer, de le refouler, de l’oublier même, mais rien n’y fait, il continue de lui manquer. « Mais rien n’a changé pour moi, je peux pas faire semblant que tout va bien sans lui. » là encore pourtant, elle sait qu’elle a raison et que s’il voulait vraiment revenir dans sa vie, Ezra l’aurait contactée et ça fait des mois, des années même qu’elle ne reçoit plus de lettres. Il est certain qu’elle a bien plus besoin de lui que le contraire, mais cette incertitude la ronge et elle ne peut plus vivre ainsi. Une pointe d’amertume grandissante quand Abigael affirme qu’Ezra lui manque aussi, Ethel soupire et ravale ses larmes sur le point de couler pour ancrer son regard à celui de sa sœur. « Pourquoi tu fais ça ? » finit-elle par lâcher d’une voix légèrement tremblante après avoir encaissé une nouvelle remarque cinglante de la part de sa sœur. « C’est toi qui me fais du mal là, pas Ezra » elle détourne le regard, les yeux toujours embués de larmes. Elle se souvient des nuits allongées dans son lit à pleurer l’absence de son frère, les journées à attendre son retour, les mois à attendre ses lettres, mais un part d’elle continue de refuser d’admettre ce que sa sœur essaie de lui faire comprendre. Elle retire doucement sa main de celle sa sœur et s’éloigne à nouveau pour regarder par la fenêtre alors que les souvenirs la traversent et la submergent. « Si ça arrive, alors ce sera mon erreur. » et bien évidemment qu’elle est terrifiée à l’idée que son jumeau la rejette et qu’elle doive faire son deuil une fois de plus, elle a terriblement peur de souffrir à nouveau et redoute plus que tout de potentielles retrouvailles mais au fond d’elle, son cœur brûle en secret d’une étincelle d’espoir, et elle ne peut pas l’ignorer. « Je peux pas tourner la page, je veux pas, Abi. » lâche-t-elle d’un ton légèrement plus dur que prévu en faisant volte-face pour la regarder. « Je ne veux pas vivre en me demandant ce qu’il aurait pu se passer si je n’avais pas tout tenté pour le retrouver. » elle marque une pause et ferme les yeux. « Et ça m’est complètement égal si tu ne me soutiens pas ou que je risque de souffrir. » ça ne lui est pas vraiment égal, mais elle se garde bien de le dire. C’est un pari risqué que de chercher à retrouver son frère, mais il est une partie d’elle, et c’est un pari qu’elle est prête à prendre, pour lui, mais surtout pour elle.

Elle ne pensait pas que cette conversation serait difficile, mais Ethel est bien chamboulée par les mots qu’elle échange avec sa sœur et elle est déjà lasse à l’idée de recommencer avec Flynn, parce qu’elle sait que c’est inévitable et qu’il sera peut-être même plus virulent qu’Abi ne l’est. Elle sait aussi que ça part d’un bon sentiment et une petite part d’elle est reconnaissante pour la façon dont ils veulent la protéger d’une nouvelle déception, mais ils ne peuvent pas éteindre son espoir, et elle n’est plus capable de l’étouffer sous cette épaisse couche de déni dans laquelle elle s’est enfoncée ces dernières années. Alors, elle sent un pincement au cœur en écoutant Abigael. L’atmosphère de la pièce déjà tendue devient presque irrespirable à mesure qu’elles s’opposent et s’affrontent dans une lutte qui ne semble pas avoir d’issue favorable. Elle fait mine d’ignorer la réflexion de sa sœur parce qu’elle est incapable de concevoir l’idée qu’il veuille vraiment qu’elle soit heureuse sans lui. Elle ne peut pas non plus concevoir que lui est heureux sans elle alors qu’elle a l’impression qu’une part d’elle-même s’est envolée le jour où il est parti. Alors elle garde le silence, juste un instant, avant de piquer à son tour sa sœur par des mots tranchants. Une part d’elle regrette instantanément quand elle voit son mouvement de recul, mais elle son visage se ferme en essayant elle aussi de garder contenance. A cet instant précis, Ethel se fait la réflexion qu’elles se blessent quand même, et qu’elles souffriront quoi qu’il arrive parce qu’elles ont déjà commencé à se déchirer l’une l’autre, mais même cette idée ne suffit pas à entacher sa motivation. « Je comprends que tu t’inquiètes, et je ne veux pas te blesser Abi, mais je ne peux pas faire semblant que tout va bien, ni abandonner. C’est notre frère et il nous manque à toutes les deux, tu devrais plutôt m’aider à le chercher. » c’est une lutte qui n’a pas de fin, puisque les arguments resteront toujours les mêmes. Ethel qui veut le retrouver d’un côté, Abigael qui veut la protéger de l’autre. C’est une histoire qui n’a pas de fin, un problème qui n’a pas de solution, et peut-être leur perte à tous en fonction de l’issue de cette histoire. Sentant l’émotion monter en elle, Ethel détourne le regard et passe une main sur son visage pour essayer de cacher ses larmes naissantes alors que face à elle, elle a bien vu que sa sœur n’est pas un état bien meilleur que le sien. Seulement, lorsque la cadette formule une nouvelle pensée, Ethel relève précipitamment les yeux vers elle, la surprise prenant soudain le pas sur le reste. « C’est pour ça que tu t’opposes tant à cette décision ? » elle fronce les sourcils alors qu’elle commence à rassembler les pièces du puzzle et comprendre toutes les résistances de sa sœur, son envie de la protéger dissimulant d’autres soucis bien plus profonds. Encore bouleversée, agacée, lasse et contrariée envers sa sœur, elle pousse pourtant un soupir et avance jusqu’à pour la prendre par la main et la faire asseoir sur son lit où elle la rejoint. « Tu ne vas pas me perdre » elle lui assure d’une voix aussi ferme que douce en entremêlant ses doigts aux siens alors que de son autre main, elle vient effacer les larmes sur les joues de sa sœur. « Ce n’est pas parce que je veux retrouver Ezra que je vais vous abandonner, je ne suis pas lui. » elle baisse légèrement la tête pour forcer Abigael à relever la sienne et croiser son regard. « Peut-être que ça voudra dire que je devrais partir pour le chercher » elle admet après une courte pause, sans détourner son regard. « Mais je reviendrais toujours vers toi, tu le sais. » elle adresse une pression à leurs mains entremêlée. « Je ne peux pas te promettre que tout ira bien, parce que je n’en sais rien. Peut-être que je serais déçue, peut-être pas. Peut-être que je le retrouverais, peut-être pas. » elle marque une pause, et attire finalement sa sœur contre elle. « Mais je te promets que tu ne me perdras jamais. » elle la serre fort contre elle et après quelques secondes de silence, elle le rompt. « Je t’aime, mais tu ne peux pas me demander de renoncer à ça, je ne le ferais pas. Tu dois juste avoir confiance en moi » il y a toujours une tension dans l’air, mais Ethel espère que le temps et l’amour apaiseront les craintes d’Abigael, parce que sa quête de retrouver leur frère sera semée d’obstacles, et elle sait d’avance qu’elle aura besoin d’elle, aujourd’hui, demain, et même encore après.