Le dossier traîne sur la table basse du salon, n’attendant plus que la signature de Miles afin d’être envoyé et finalisé. Il ne suffirait que de quelques secondes pour officialiser leur divorce et pourtant, le sorcier ne faisait que retarder l’échéance. Il remettait à plus tard ce qui devait pourtant être fait, parce que c’était ce qu’Alicia voulait et lui aussi, qu’importe à quel point il pouvait traîner les pieds. C’est surtout qu’une part de lui avait peur. Il craignait ce qu’il adviendrait une fois le divorce officialisé, comme si cela signerait la fin de tout, d’eux. Rupture qui porterait un coup à leur relation, il en était convaincu. Comment pouvait-il en être autrement ? Comment pouvaient-ils retrouver leur proximité, la tendresse qui les unissait alors qu’un bout de papier les déclarait séparés ? Les craintes qu’il préfère garder pour lui car il n’est pas certain qu’Alicia les comprenne alors qu’elle avait l’air bien plus pressée que lui d’en finir avec leur mariage. Le sorcier qui s’affaire dans l’appartement, celui qui sera bientôt bien plus froid parce que celle qu’il aimait allait partir, ce qu’il peinait à accepter. Le départ ne faisait qu’en rajouter aux craintes qu’il nourrissait déjà alors qu’il avait pris goût aux habitudes qu’ils avaient forgé ces dernières semaines. Il aimait rentrer avec elle, aimait s’endormir avec Alicia dans ses bras. Il aimait pouvoir la serrer contre lui dès qu’il en avait envie, la sentir somnoler contre son torse alors qu’ils sont blottis l’un contre l’autre dans son canapé. Comment pouvait-il revenir à une vie sans elle quand elle était tout ? Milo n’en avait pas envie. Il ne voulait pas ce divorce, ne voulait pas son départ. Il voulait continuer à l’aimer comme il le faisait depuis de longs moments désormais, voulait être capable d’agir avec elle comme si elle était sienne. Il ne dit rien de tout ça dans une volonté de conserver cet équilibre précaire qui les unissait encore, conscient aussi qu’il n’était pas le plus doué qui soit avec les mots et qu’il risquait plutôt d’empirer les choses entre eux. Alicia qu’il entend rentrer alors qu’il observait le frigo vide en soupirant. Quand elle arrive dans la cuisine, il se tourne vers elle avec un léger sourire. Il tente d’oublier l’alliance qu’il a toujours aux doigts, d’oublier les papiers qui l’attendaient toujours sur la table basse, tente de prétendre que tout était normal entre eux car c’était ce qu’il désirait et parce que c’était bien plus facile que de se confronter véritablement à cette situation. « Hm je crois qu’on va devoir commander à manger ce soir. J’ai un peu oublié de faire les courses alors.. » Il faut dire que son esprit avait été occupé ces derniers temps, les pensées tournées vers Marcus sur lequel il s’efforçait de veiller. Il revoyait encore le regard vide de son meilleur ami, le corps inerte de son petit frère et ses mains pleines de sang d’avoir tenté de le soigner. Plus de deux jours s’étaient écoulés depuis et il avait su que l’état de Caïn s’était amélioré, ce qui avait grandement soulagé l’anglais. Il s’inquiétait plus pour les répercussions psychologiques que l’évènement pouvait avoir sur eux, maintenant, car ce qu’ils avaient vécu n’était pas rien, qu’il leur fallait se remettre de ce que leur père avait osé faire et de ce qu’eux avaient du faire pour survivre. Puis il y avait Vesper et ce secret confié il y a quelques temps déjà, celui qu’il avait réussi à conserver par un miracle alors qu’il priait Merlin chaque jour pour ne pas commettre d’impairs auprès d’Alicia ou, pire encore, de Marcus. Il espérait que la blonde en parle rapidement au sorcier même si au fond, le timing n’était pas le plus idéal qui soit. Cigarette qu’il récupère alors qu’il s’installe près de la fenêtre du salon qu’il entrouvre alors. « On pourrait regarder un film après. Il paraît qu’il y a un film policier qui va passer et que c’est réaliste mais je suis sûr qu’on va encore trouver des erreurs toutes les cinq minutes. » Léger sourire aux lèvres alors que c’était devenu une de ses activités préférées, en partie parce qu’il adorait voir l’air outré d’Alicia quand une erreur monumentale était commise, qu’il adorait plus encore l’entendre rire aux éclats face aux scènes parfois ridicules. Seulement le regard d’Alicia tombe sur le dossier encore posé sur la table basse et c’est suffisant pour qu’il ne comprenne, le regard désormais tourné vers la fenêtre, expiant la fumée vers l’extérieur. « Je m’en occupe après. » se contente-t-il de dire, échéance qu’il ne pourra pourtant pas retarder éternellement – c’était ce qu’il voulait, pourtant, qu’ils oublient cette histoire de mariage, qu’ils se contentent de l’enterrer et de s’aimer pour l’éternité.

Tout était différent maintenant et plus le temps avançerait, plus ça le serait. C'était la triste conclusion que la sorcière se faisait et qui se répétait inlassablement au sein de ses pensées depuis qu'ils s'étaient réveillés un matin heureux avant de réaliser la bêtise qu'ils avaient fait. Si la tragédie qui avait frappé Marcus et son petit-frère avait permis de temporiser, de ne pas s'emporter, dire ou faire quoique ce soit sous la peur et l'incompréhension, les deux aurors avaient tout de même fini par parler du divorce. Solution évidente aux yeux d'Alicia qui ne voyait pas comment ne serait-ce même que songer à une autre façon de régler l'erreur qu'ils avaient commise. Se marier avant l'heure, se marier alors même qu'ils n'étaient pas ensemble, passer l'alliance au doigt de l'autre, s'habiller de blanc, échanger des vœux et accepter de s'aimer pour l'éternité. Alicia ne parvenait pas à comprendre comme elle avait pu accepter, même sous l'influence de l'alcool, elle frappe le sac de boxe face à elle comme elle aimerait secouer sa version passée ayant pris cette fichue décision. Et c'était étrange de réaliser tout cela sans même en vouloir à Miles qu'elle aurait forcément blâmé, avant, mais une part d'elle savait très bien que ce n'était pas de sa seule faute parce qu'il n'était plus seulement son partenaire ni son ancien ennemi dans son cœur. Était-ce pourtant une raison de craquer à ce point et d'aller à contrecourant de ce qu'elle était et ses ambitions personnelles ? La sorcière changeait pour lui et ça lui faisait peur, elle qui pourtant avait trouvé un refuge dans ses bras et à son appartement durant tout ce mois de mars idyllique en venait à l'hypothèse qu'elle perdait bien trop pied et ses moyens à cause de lui et de l'affection qu'elle lui portait. Au point de se marier et de mettre de côté toute logique, c'était ça qui lui faisait peur. L'idée d'avoir fait une erreur qu'elle espérait pouvoir réparer rapidement pour qu'ils puissent passer à autre chose, si du moins c'était possible. Parce qu'en dépassant la porte de l'appartement de Miles après avoir quitté le bureau suite à son entraînement, une certaine tension vient nouer ses épaules en observant les papiers de leur divorce sur la table basse. Elle était persuadée qu'il ne les avait pas encore signés et elle ne comprenait pas comment c'était encore le cas. Ne désirait-il pas lui aussi effacer cette erreur, retrouver sa liberté et ce qu'ils étaient ? Alicia avait l'impression que plus longtemps il mettait à les signer, plus ce qu'ils avaient risquait de s'effriter et quelque part, elle se demandait même si il prenait tout cela vraiment au sérieux. Réalisait-il au moins ce qu'ils avaient fait ? « Pizza alors ? » il ne leur restait pas beaucoup de temps ensemble parce que la sorcière déménageait chez Vesper dans peu de temps, pour ne pas trop imposer sa présence dans le quotidien de l'auror, parce que la blonde avait une chambre en plus. C'était logique, c'était aussi finalement plus sûr ainsi et c'est pour cela qu'elle déménage, éviter les autres erreurs parce qu'ensemble, ils avaient tendance à en faire. « je doute qu'on en trouve un vraiment réaliste un jour.. » Elle sourit, pourtant hâtive de ce moment avec lui comme à chaque fois. Le manteau accroché dans l'entrée, Alicia vient déposer son sac à côté du canapé et observe Miles près de la fenêtre. La mâchoire contractée, l'air un peu ailleurs, il est beau et elle ne veut pas le quitter. Elle n'a que l'envie de rester un peu plus longtemps auprès de lui, continuer à se réveiller entre ses bras forts et chauds, de lui faire découvrir sa cuisine et voir son regard pétiller, continuer de se courir à travers l'appartement comme des adolescents en plein flirt. Mais c'était trop tard, n'est-ce pas ? Triste réalité qui lui revient tandis que son regard glisse à nouveau sur le dossier posé sur la table basse et qu'il lui assure s'en occuper après. Mais son regard l'ignore, il fuit vers l'extérieur, il la fuit elle et l'ancienne lionne l'a bien remarqué depuis qu'elle lui avait confié ces papiers où il n'y avait besoin que d'une seule signature, la sienne. Elle reste alors silencieuse, ses mains ramenées vers elle et deux de ses doigts touchent cette alliance à son doigt dont elle peinait encore à s'habituer. Pourtant, elle ne l'avait pas enlevé, comme si une part d'elle la désirait tout de même secrètement. « on pourrait aller boire un verre ensuite pour fêter ça si tu signais maintenant. » tentative plus douce pour l'inciter à apposer l'encre au papier l'attendant, Alicia s'approche d'un pas mais reste contemplative de son amant à la fenêtre. « je ne comprends pas pourquoi tu ne les as pas encore signés, tu ne t'imagines quand même pas marié à nos âges ? » ses sourcils se froncent alors que le ton s'était fait finalement plus amusé, comme si elle énonçait ce qui n'aurait du rester qu'une blague, un foutu pari non accompli. Il ne s'imaginait tout de même pas qu'ils restent mariés alors qu'ils n'étaient même pas ensemble ? Lui et elle, c'était différent de tout ce qu'elle avait pu connaître. C'était aussi si fort, si réel qu'elle avait une peur folle de le perdre à cause de cette erreur au final, peur que la signature ne les sépare pour de bon, peur que sans, ils ne finissent également par se détester.

« Pizza. » dit-il en hochant la tête, repas prévu comme si tout allait pour le mieux entre eux, comme si leur relation n’était pas au bord du précipice depuis qu’ils s’étaient réveillés en découvrant ce qu’ils avaient fait. Si ce qui était arrivé à Marcus et son frère avait retardé l’échéance, il était évident que tout ne pouvait rester ainsi en suspens et qu’ils allaient devoir divorcer. Miles était d’accord, en théorie. Pourtant il n’y arrive toujours pas, retarde ce moment qui devenait inéluctable. Le film évoqué qui lui arrache un léger sourire avant qu’il ne s’installe à sa fenêtre pour fumer, consommation de cigarettes accrue ces dernières semaines afin d’apaiser ses nerfs mis à rude épreuve. Le sorcier qui évite soigneusement le regard d’Alicia, de sa femme, titre qui lui était dédié et qu’elle portait désormais mais qui était faux, toute leur union était fausse finalement. Pourtant, tout lui avait semblé si vrai qu’il aurait pu jurer que c’était éternel, que leur mariage n’était qu’une conséquence logique de sentiments réels qu’ils nourrissaient l’un pour l’autre. Alicia qui veut fêter leur divorce et il se tend alors. Il a cette impression que peut-être, pour elle, il n’était qu’un poids qui l’empêchait d’avancer, que ce mariage était tout sauf ce qu’elle voulait en dépit de ce qu’ils avaient vécu et partagé ensemble. Il ne percevait pas ce divorce comme un occasion à célébrer mais plutôt comme la fin de ce qu’ils avaient, morosité qui lui agrippait l’âme à l’idée qu’ils ne puissent plus vivre ce qui avait été leur quotidien pendant des semaines. L’agacement et la déception qui se mêlent à la peur de la perdre au point que tout ne finisse par éclater en une tornade d’émotions qu’il ne cherche même pas à maîtriser. Miles qui se redresse alors que l’impensable ne quitte ses lèvres, que ce qu’il avait pourtant cherché à garder précieusement pour lui ne sorte au grand jour. « Mais peut-être parce que je t’aime, Alicia ! » Trois secondes. C’est le temps qu’il lui aura fallu pour perturber irrévocablement l’équilibre précaire qui existait entre eux, ce déni dans lequel ils avaient évolué ces derniers mois alors que leur relation était devenue si belle qu’il en avait parfois eu peur, alors que leur lien était devenu l’ancre à laquelle Milo s’accrochait en permanence. Elle était devenue la lueur l’extirpant de l’obscurité avec laquelle il avait si souvent flirté quand rien n’allait, elle était devenue tout ce qui importait et elle l’était encore, qu’importe les erreurs qu’ils ont pu commettre cette nuit-là. Il réalise qu’il n’aurait probablement pas du le lui avouer mais il n’en pouvait plus de retenir ses sentiments pour lui alors même que ça faisait des mois déjà qu’il l’aimait, il n’y arrivait plus et n’était même pas sûr de vouloir y parvenir. La cigarette qu’il écrase dans le cendrier alors qu’il se tourne vers la brune. « J’ai essayé, je te jure que j’ai essayé de pas t’aimer mais putain, autant me demander d’arrêter de respirer. » Il avait surtout essayé de garder pour lui ce qu’il éprouvait parce qu’il savait alors qu’il n’y aurait plus de retour en arrière possible. Pensée qui se confirme quand son regard croise celui d’Alicia, quand il comprend qu’il ne pouvait pas effacer ce qu’il venait d’avouer. Alors il continue, sans doute parce qu’il s’est retenu si longtemps que son cœur, enfin libéré, ne voulait que poursuivre, qu’enfin exprimer au grand jour ce qu’il avait si longtemps réprimé. « It’s.. I can’t stop loving you. I love how you make the room light up just by smiling. I love the way you look at me, as if I was worth something and I swear I forget to breathe sometimes when you laugh. » Son cœur qui s’accélère au fil de ses mots, l’organe qu’il dépose là, à ses pieds, parce qu’il lui a toujours appartenu de toute façon, parce qu’il était trop tard pour tenter de le récupérer maintenant qu’il lui offrait sa vérité. « I just can’t hold back anymore love. I thought that if I act as if it didn’t matter I could stop loving you but.. but I don’t think that I can even if I tried. » Son regard qui s’accroche au sien, qui cherche la moindre lueur lui indiquant qu’il ne faisait pas fausse route. Il ne pouvait pas avoir tout imaginé, pas vrai ? Ce qu’ils avaient été réel, il l’avait senti à chaque baiser qu’ils partageaient, à chaque étreinte qui trahissait leur amour. Il ne pouvait pas s’être trompé à ce point, il en était convaincu. Et même s’il avait peur de ce qu’il adviendrait si elle venait à affirmer qu’elle ne ressentait pas ce même amour pour lui, Miles était prêt à courir le risque, incapable de mentir davantage sur ce qu’elle était pour lui. « Alors je m’en fous de tout ça, de cette connerie de mariage, de tout, il y a que toi, Alicia, il y a toujours que toi. »

Il serait mentir de dire qu'elle n'y avait pas pensé à ce moment, Alicia, qu'elle ne l'avait pas cauchemardé deux jours plus tôt tandis qu'exactement la même chose s'y produisait. Miles ne signait pas les papiers, elle s'agaçait de frustration et de peur qu'il ne la prenne pas assez au sérieux pour mener à terme de faux mariage et les libérer par ce divorce et ils finissaient tous les deux par tout gâcher à cause d'une mauvaise communication. Elle avait voulu se convaincre qu'il ne s'agissait que d'un mauvais rêve, qu'ils étaient plus forts que ça mais Alicia n'en était plus tout à fait sûre. C'est le cœur un peu plus battant alors qu'elle le voit tendre ses épaules dès lors qu'elle soumet l'idée d'aller fêter leur divorce ensemble, pensant que cela pouvait être une bonne idée car après tout, aucun ne désirait véritablement se marier à leur âge, non ? Alicia se focalisait plus particulièrement sur ce fait et pas même l'alliance d'amour éternel de l'un à l'autre, comme si au fond, l'idée d'être profondément liée à lui ne la dérangeait pas entièrement. Elle ne se mentait plus totalement sur ce fait, pas après ce mois passé avec Miles. Tous les deux s'étaient rapprochés d'une façon qui lui plaisait et faisait du bien, qui faisait battre son cœur forcément plus vite et plus fort, qui lui inspirait de la crainte à la possibilité de tout gâcher ou même de le perdre. Si Alicia ne comprenait pas encore totalement ce que c'était, les premiers mots qu'il lui décerne eux, semblent l'évoquer. Mais peut-être parce que je t’aime, Alicia. Sa respiration se coupe alors que son regard se fige à son adresse, à Miles qui lui avouait ce qu'elle n'aurait jamais pensé entendre venant de lui, qui lui offrait ces mots qu'à part Alec, personne ne lui avait jamais dit. Et c'était différent de l'entendre de la part de quelqu'un à qui on s'était autant ainsi lié, c'était surprenant, perturbant, c'était bon, faisait du bien au cœur et à l'âme, tout cela à la fois finalement. Alors qu'une part d'elle est surprise et n'ose rien dire en le voyant écraser sa cigarette dans son cendrier, une autre se sent forcément réchauffée à l'aveu, son estomac se tordant dans tous les sens. Il ne gâchait pas tout Miles, il expliquait ce que lui ressentait, mieux qu'elle ne savait le faire. Il était le plus courageux des deux dans l'histoire parce qu'elle, elle n'y arrivait pas. Non pas à l'aimer, parce qu'au fond Alicia savait qu'une part d'elle était si attachée à son partenaire que cela voulait dire quelque chose, mais bien à accepter que cela soit ainsi, en ces conditions, en ce jour, durant cette vie même peut-être. Miles qui pourtant était devenu tant pour elle que là à ce moment précis où elle sait que ces instants avec lui allaient forcément mal se terminer, son cœur se sentait déjà éprouvé d'une tristesse réelle. Elle était incapable de répondre à ses mots, à cette déclaration qui continue auprès de l'auror la regardant avec le même regard depuis des semaines, des mois peut-être. La lionne sait qu'elle aurait dû en voir les signes, peut-être même l'avait-elle fait mais s'était exclue de les reconnaître. Et ses bras se serrent autour de son corps tandis qu'elle sent son esprit surmené par le chaos de ses pensées. Par cette part en elle qui ne voulait qu'entendre ce qu'il lui avouait, par cette autre qui ne désirait que son silence alors que ce qu'il lui disait était si beau, si sincère qu'Alicia avait presque du mal à y croire. Elle est confuse, elle se sent aimée mais détestable à la fois par le combat intérieur qui l'anime, le regard s'embuant de larmes d'émotions qu'elle réprime, elle s'interdit son amour Alicia parce qu'elle ne le mérite pas. Pas alors qu'elle n'était pas allée aussi loin dans la réalisation de ce qu'ils partageaient, pas alors qu'il se livrait là face à elle et qu'en elle hurlait le simple désir de fuite. Miles était plus vrai que jamais et elle était bien incapable de le lui rendre, parce qu'avec tout ce qu'elle avait vécu en si peu de temps, toute la force qu'il lui fallait pour aller de l'avant, rester entière, soutenir sa famille, mener les pans les plus difficiles de sa vie, elle n'en avait pas pour faire confiance en une relation qui était basée sur le secret et une rivalité si forte qu'à une époque, ils se détestaient véritablement. Et c'est à ses derniers mots sur le mariage qu'alors la barrière de ses lèvres se rompt, elle ne retient plus les siens Alicia et c'est à son tour de s'exprimer, parce que cette alliance n'était pas n'importe quoi à ses yeux, preuve de plus qu'ils étaient allés trop loin sans réfléchir et que ce qu'ils avaient été dangereux. « you can't be real. » elle secoue la tête, inspirant tandis qu'elle avait l'impression que tous ses organes se comprimaient. « you don't love me, you love the secret, the proximity, the friendship we built, the connexion.. » elle se perdait dans cette liste, une part d'elle l'aimait tant pour tout cela aussi « but we were enemies, we're partners now, we were so far away and now this close 'cause we took the chance to but if it was an other girl, you would have said the same. » elle n'y croit pas pourtant à ses mots parce qu'elle sait que c'est faux, que Miles n'était pas n'importe qui à ses yeux depuis longtemps déjà, que jamais ça n'aurait été la même chose avec un autre. Elle le sait, le ressent dans tout son corps, mains qui tremblent autant que son cœur et qu'elle attache alors plus fort à ses bras. « on est allés trop loin Milo, ce mariage le prouve bien qu'on est pas capables d'être ensemble sans faire d'erreur parce que pour toi le mariage ce n'est peut-être rien mais pas pour moi. » elle réprime l'arrivée d'une larme en essuyant de sa manche le coin de son œil. « j'avais tout prévu, un beau mariage pour mes vingt-trois ans au minimum, pas avant, entourée de toute ma famille et de tous mes amis, auprès d'un homme qui ne m'aurait jamais détesté une seule fois au cours de toute notre relation, avec qui ça ne serait pas aussi compliqué. » elle a l'impression d'être celle qui les tire par ces cordes opposées enroulées autour d'eux, qu'elle est celle qui donne l'impulsion à les éloigner drastiquement comme ils l'étaient avant et ça lui donne envie de crier Alicia, parce que ce n'est jamais ce qu'elle a voulu. Parce qu'elle aime ce qu'ils ont construit ensemble, être en sa compagnie, elle l'aime, Milo, mais n'est simplement pas prête à lui offrir plus, ni prête à la simple idée possible que ce qu'ils partagent soit de l'amour. « it's not how it's supposed to be. » et elle déteste ce qu'elle peut voir dans son regard alors qu'elle murmure ces mots et qu'il ressasse ceux d'avant, elle déteste être celle qui lui fait mal alors qu'il vient de se livrer à elle de façon plus courageuse qu'elle n'aurait pu le faire.

Il ne sait pas vraiment ce qu’il fait, Miles, parce qu’il n’a jamais dit ces mots-là à qui que ce soit, parce que ce n’est pas quelque chose qui se fait dans sa famille – de toute façon, il n’est même pas vraiment sûr que sa mère pouvait ressentir une telle affection à son égard, s’il devait être honnête. Puis, surtout, il n’a jamais aimé comme il aime Alicia, avec une force qui pourrait le faire chavirer s’il se laissait totalement emporter. Au fond, il sait qu’il l’aime depuis un moment déjà mais a préféré ignorer ses émotions dans une volonté de préserver tout ce qu’il y avait entre eux. Seulement, ça n’avait été qu’une question de temps, le sorcier trop habitué à être honnête pour pouvoir contenir encore bien longtemps ce qui lui venait à l’esprit dès qu’il voyait Alicia. Il l’aime avec une certitude que rien ne saurait ébranler, il l’aime avec la force dévastatrice d’un séisme prêt à tout engloutir, il aime comme il n’aimera jamais personne d’autre, il en était convaincu. Comment pourrait-il même ne ressentir qu’un quart de cet amour là pour une autre, quand elle était celle qui avait su éveiller les meilleures parts de lui ? Quand elle était celle qui revenait constamment dans ses pensées, même quand il avait essayé de s’accrocher si fort à la haine qui les avait un jour unis pour ne pas craquer totalement pour elle ? Son regard reste accroché à elle et, pendant un instant, il se dit que ça marchera. Qu’elle l’aime, lui aussi, qu’il ne peut en être autrement après tout ce qu’ils avaient partagé tous les deux. Elle l’aime Alicia, elle doit l’aimer, car il ne sait pas vraiment comment il réagira s’il venait à apprendre que ce n’était pas le cas, rejet qui serait trop douloureux pour pouvoir l’encaisser. L’idée qu’il repousse, ne peut envisager. Il se permet un optimisme qui lui paraît logique et tout naturel, ils avaient trop partagé tous les deux pour qu’elle puisse ne pas l’aimer. Pourtant, ses premiers mots lui parviennent, Miles qui fronce les sourcils. Il avait mal entendu, pas vrai ? Alicia qui continue pourtant, rejette son aveu et il a l’impression de sentir son cœur se fissurer à chaque mot énoncé, mot qu’il peine pourtant à accepter et comprendre. Il déglutit, cherche son regard comme s’il pourrait y trouver une lueur taquine, une preuve qu’elle plaisantait, aussi désagréable cette farce pouvait être. Mais il n’y avait rien, rien qu’un trouble qu’il partageait, rien qui ne saurait en tout cas le rassurer. « You can’t.. You can’t really think that. » Le trémolo de sa voix qu’il ne peut réprimer, Milo qui se racle la gorge pour le chasser. Il n’aurait jamais vécu la même chose avec une autre sorcière, il n’en doutait pas un instant. Leur relation était celle qu’elle était car ils étaient eux, qu’ils avaient partagé des expériences qui les avaient rapproché jusqu’à en faire un duo qui ressemblait davantage à un couple qu’à des collègues. Les doutes commencent pourtant à l’assaillir – si elle s’imaginait qu’il pourrait vivre la même chose avec n’importe quelle fille, est-ce que cela voulait dire qu’elle aurait pu vivre leur relation avec un autre sorcier ? L’idée qui lui paraît inconcevable et qui fait pourtant son chemin pour s’ancrer à son cœur avec force. Alicia qui n’a pas terminé, évoque ce mariage et ce que cela signifiait pour elle. Il ne comprend pas vraiment l’importance qu’elle y accorde mais est prêt à l’entendre jusqu’à cette dernière phrase, celle qui lui permet de comprendre qu’importe ce qu’ils pouvaient vivre, il ne serait jamais celui qu’elle épouserait. Parce qu’ils s’étaient un jour détestés, que tout avait souvent dégénéré entre eux. Il avait pourtant l’impression que ce qu’ils avaient vécu ces derniers mois avaient effacé cette partie de leur relation, qu’il lui avait assez prouvé sa dévotion et son affection pour qu’elle ne cesse de penser à ce comportement que l’adolescent idiot qu’il était alors avait fait naître entre eux. Son regard se baisse vers le sol quelques instants, parce qu’il peine à digérer tout ce qu’il entend, qu’il a l’impression de sentir son cœur se craqueler un peu plus fort. Il ne serait jamais celui qui partagerait sa vie, n’était finalement peut-être qu’une distraction ou une erreur, il ne sait pas vraiment mais tout s’agite et proteste en lui. Il ne peut accepter Milo alors même qu’elle en rajoute, mots qui achèvent de l’agacer et le perturber. « How is it supposed to be, then ? » Il relève les yeux vers elle, s’accroche à son regard. « It’s bullshit. All of this. » Il fait un pas vers elle, incapable d’accepter totalement que tout soit fini entre eux, trace infime d’espoir qui s’accroche à lui. « T’étais celle qui voulait qu’on passe des journées à deux en décembre comme un putain de couple, celle qui agit comme si t'étais déjà ma copine alors qu’on vit ensemble depuis un mois. » Les incompréhensions qui s’accumulent et le perturbent au point qu’il ne sait plus vraiment où donner de la tête, Miles. « Et t’es en train de me dire que tout ça était faux ? Que je suis le seul à ressentir quoi que ce soit alors que tu me regardes comme si... » Il se coupe, son cœur qui bat à tout rompre contre ses tempes alors qu’il s’accroche à un espoir qui est la dernière chose empêchant à son cœur se de briser totalement. L’espace qu’il franchit, sorcier se retrouvant à quelques centimètres seulement de celle qu’il avait épousé, de celle qu’il aimait et détenait le pouvoir de briser son palpitant en quelques mots seulement. « Mais vas-y Alicia. Dis-moi que ce qu’on avait, tu pourrais le vivre avec n’importe quel autre sorcier. Que t’aurais agi de la même façon, si ça avait été un autre que moi. » Son regard soutient le sien, le désespoir qui se niche déjà dans son cœur alors que malgré lui, il a l’impression que tout est déjà fini et que rien de ce qu’il pourrait dire ne pourrait changer quoi que ce soit. Il n'y avait plus rien, plus rien que des souvenirs dont il allait devoir se contenter, parce qu'il l'aimait mais qu'Alicia, elle, ne pourra jamais choisir quelqu'un comme lui.

Elle a pratiquement l'impression de sentir le cœur de Milo se fissurer à la mesure de ses mots, se craqueler à ce qu'elle lui délivre, devenir douloureux tandis qu'elle est celle qui est forcée de mettre un terme à ce qui existait entre eux, à moins que ce soit le sien qu'elle ne ressente subir tout cela. Alicia qui se sent misérable en voyant toutes ces émotions négatives, les pires qui soient, traverser le regard de celui à qui elle tenait pourtant tant. Mais elle n'arrive pas à accepter ses mots, cet aveu d'amour qui est trop pour elle à ce moment précis de sa vie. Après tout ce qu'elle a vécu en si peu de temps, après une année des plus compliquées émotionnellement et en bien d'autres termes, elle a peur la lionne, perd son courage et surtout son espoir à ce que tout aille pour le mieux. Elle a peur de répondre la vérité sur ses propres sentiments et que tout ne finisse par se briser de façon bien plus fort et brutale d'ici quelques semaines, elle a peur d'offrir son palpitant tout entier à celui qui pourtant le possédait déjà, si elle y prêtait attention. Au point qu'elle ne réalise pas que ses craintes qu'il ne la déteste et de le perdre ne sont pas loin de se réaliser par son seul comportement, sa réaction négative et qui n'était en rien à la hauteur de ce qu'ils avaient vécu. C'est d'ailleurs sur ce sujet que Miles réagit en premier et qui pousse la sorcière à serrer davantage les bras autour de son corps pour se protéger un peu plus de cette vérité qui ne devait pas atteindre son cœur de peur qu'il ne cède et n'ignore la raison menant cette conversation pour elle. Elle avait besoin de remparts en plus Alicia, parce qu'il avançait des faits beaucoup trop vrais, qui avaient bien trop compté pour elle et eux deux à la fois, même si ses sourcils se froncent parce qu'elle ne trouve pas ça très juste qu'il la désigne comme principale investigatrice de ces moments. Mais les traits de son visage se défont de leur frustration pour une expression plus émotive malgré elle, parce qu'Alicia n'arrive pas à véritablement mentir sur tout cela et dire que tout était faux. Même si sa raison la pousse à se refermer sur elle-même, à ne pas le laisser pénétrer les murailles qui s'érigent pour leur bien, elle n'arrive pas à lui répondre parce qu'une barre se loge dans sa gorge. Ses caramels le fuient, parce que si Milo relevait la façon dont elle le regardait c'était qu'elle n'était pas capable de dissimuler l'essentiel et combien son cœur n'aspirait qu'à lui, qu'à eux deux. Elle déteste alors son cœur de la trahir, sa raison de la protéger aussi fort, parce qu'elle a l'impression que ni l'un ni l'autre n'a la solution, elle a l'impression que si elle se permet de l'aimer alors elle finirait par le perdre mais en le repoussant, elle savait aussi que c'était déjà le cas. Il n'y avait aucune façon de se sauver de cette situation en évitant de faire du mal à Milo, le seul qui comptait finalement, celui qui lui coupait la respiration tandis qu'il avançait vers elle et que cette distance réduite avait cet effet de quasi brûlure sur la lionne. Mélange d'envie de le toucher, de l'aimer et à la fois de le repousser, de l'inciter à se protéger d'elle. Regard qu'elle peine à soutenir tout autant que ses mots. Non elle n'aurait jamais pu vivre tout cela avec un autre sorcier, elle le sait tout autant que lui, malgré ses mots, ce qu'elle tente de se convaincre et de l'en convaincre aussi. Il était tout Milo et plus encore, c'était pour cela qu'elle ne pouvait pas se permettre de l'aimer. Parce que c'était dangereux d'aimer autant en ces conditions, de lui offrir tant si bien qu'elle en oubliait sa raison et l'ordre des choses, de faire attention à eux, aux erreurs qu'ils peuvent faire, au fait qu'à tout moment ils pourraient se faire mal d'une blessure à jamais insoignable. Elle avait peur Alicia, de tout mais pas de lui, seulement de l'avenir et puis d'elle-même. Mais Miles attend une réponse et elle sait que l'une ou l'autre leur fera mal, qu'elle soit mensonge ou vérité. Ses yeux cillent légèrement sous l'émotion, sous l'évidence aussi qu'il pourrait parfaitement lire si il y faisait attention car s'y logeait toute la vérité de ses véritables et puissants sentiments pour lui. « it's not fair. » elle refuse de répondre et le ton de sa voix se fait reproche. « on était deux à choisir de passer tous ces moments ensemble et ignorer le reste et maintenant que je ne corresponds pas à ce que toi tu veux car tu décides autre chose et différemment, je suis celle qui gâche tout pour oser garder le recul qu'on était censé avoir depuis le début. » c'était ça, sa stratégie, reprendre la façade plus stricte du devoir et de leurs responsabilités, utiliser leur formation et la différence qu'ils ont toujours eu tous les deux. Lui qui réagit plus par son instinct et le cœur, elle par la raison et les règles, comme tant de fois il a pu détester lorsqu'elle le faisait et inversement. Et Alicia sait que ça le frustrera, autant que le fait qu'elle ne lui réponde pas plus ni directement à sa demande, elle le voit dans ses yeux et le ressent suffisamment dans tout son corps car même si elle garde ses noisettes ancrées à son regard – sans savoir par quelle force elle y arrivait toujours – la lionne n'avait que l'envie de se décomposer entièrement. « tu m'en veux maintenant mais je ne suis pas celle qui décide de tout gâcher en y mêlant des sentiments. » et ce n'était pas juste de sa part, elle le savait parfaitement, ce n'était pas vrai non plus car des sentiments il y en avait eu de la part des deux depuis plus longtemps qu'elle ne l'admettait. Mais elle ne pouvait pas se le permettre, elle ne pouvait pas l'aimer plus, pas comme ça alors que l'anneau de leur erreur soupesait sur son annulaire comme le rappel constant de combien ils n'étaient que dangereux ensemble.

Il refuse l’idée même de reléguer leur relation à une aventure sans réelle importance, comme si ce qu’ils avaient vécu n’avait pas été lourd de sens pour eux. Il refuse d’y croire, car pour lui ça a réellement compté, Miles qui n’avait jamais rien vécu d’aussi beau et d’aussi fort avec qui que ce soit. Avec Alicia, il s’était permis d’être un peu plus lui même, avait même commencé à se dire que, peut-être, il pouvait exister un monde dans lequel un ‘nous’ était possible entre eux. Au-delà même de ce qu’il pensait d’eux, il y avait tout ce qu’elle lui avait offert, l’opportunité de ne plus être uniquement ce sorcier arrogant qui rejetait toute forme d’attachement, mais bien la meilleure version de lui même qu’il parvenait à lui offrir quand ils étaient ensemble. Alors, prétendre que ce n’était rien, eux deux, que les sentiments n’avaient rien à faire dans leur histoire, remettait en cause tout ce qu’ils avaient vécu et une partie de ce qu’il était. Comment même pouvait-elle prétendre que rien n’était supposé se passer entre eux quand il y avait tout ? Il s’accroche à l’espoir qu’elle ne revienne sur ce qu’elle venait de dire, s’acharne et attend d’elle la moindre preuve qu’elle puisse partager ses sentiments – ou, au moins, les accepter. Milo qui a l’impression de lire une certaine forme d’émotion dans son regard, un bouleversement qui ne fait pas sens pour lui. Elle n’avait pas le droit d’être émue ou triste quand elle était celle qui leur imposait cette situation, quand elle essayait de lui expliquer qu’il ne pouvait pas l’aimer, comme si elle savait mieux que lui ce qu’il était supposé éprouver. Alicia qui reprend et s’acharne, Alicia qui tente de rationaliser ce qu’ils vivaient. « Putain mais essaie même pas de faire comme si j’étais celui qui merdait alors que tu choisis d’envoyer chier tout ce qu’on a vécu parce que j’ose dire ce que je ressens. » Parce qu’il ne peut pas comprendre Miles comment elle pouvait tenter de justifier leur relation par la raison quand elle n’en a jamais fait partie. Dès qu’ils ont commencé à craquer l’un pour l’autre, ils savaient bien que cela défiait tout, que jamais ils n’auraient du céder l’un pour l’autre. Pourtant ils n’avaient eu de cesse de le faire et à ses yeux, c’était la preuve que ce qu’ils avaient été fort, trop fort pour tenter de résister. La raison n’avait pas sa place car c’était la passion qui primait entre eux, jusqu’à ce que la tendresse ne s’ajoute pour achever de le conquérir un peu plus. Les mots d’Alicia qui tombent comme une sentence qui achève de briser son cœur – il a l’impression qu’il peut le sentir se tordre sous l’effet de ce qu’elle osait lui dire. Il gâchait tout car il osait l’aimer et l’assumer – ses sentiments n’étaient alors que réduits à l’état de nuisance et n’était-ce pas finalement ce qu’ils avaient toujours été ? L’affection portée à sa mère qui n’avait jamais été acceptée, tout comme son amante refusait l’amour qu’il lui portait. Ses bras retombent mollement le long de son corps alors qu’il reste interdit. Une boule se forme dans sa gorge et il doit se faire violence, se taire pour ne pas qu’elle réalise à quel point ce qu’elle venait de dire pouvait l’atteindre. Tout remue en lui, la tristesse et la colère, l’incompréhension et l’indignation. Ce n’était pas ainsi que les choses devaient se passer, elle n’était pas supposée le rejeter ainsi, elle n’était pas supposée réduire ses sentiments à une gêne dont elle ne voulait pas. « Je gâche tout ? » Les mots qu’il répète d’une voix plus fébrile qu’il ne l’aurait voulu. Ses sourcils qui se froncent alors que l’anglais peine à savoir comment réagir, l’envie d’exploser qui est temporisé par ce cœur à l’agonie qui ne réclamait que de s’éloigner de son bourreau, de celle qui aurait dû être sa moitié. « T’es celle qui vient de mettre un terme à tout ce qu’il y avait entre nous. » affirme-t-il alors que son regard croise le sien. Regard qu’il ne peut supporter que quelques secondes à peine avant de se retourner, d’observer les papiers sur la table. Sans réfléchir plus longtemps, il se penche et signe le document qui mettra fin à leur mariage. Il se redresse, attrape le parchemin et se tourne pour le plaquer contre la poitrine d’Alicia. « Je te souhaite de trouver un mari avec qui tu pourras vivre une histoire bien chiante, loin des complications que j’ai l’air d’apporter dans ta vie. » Les mots crachés avec une colère qu’il maîtrise de moins en moins alors qu’il lâche les papiers, qu’il n’ajoute rien de plus tandis qu’il l’évite pour sortir de l’appartement, la porte qu’il claque derrière lui. Il a l’impression de retrouver sa respiration après une longue apnée, Miles, alors qu’il s’appuie contre la porte, les mains tremblantes portées contre son cœur l’espace de quelques secondes, comme pour vérifier qu’il était bien là et non pas en train d’agoniser aux pieds de celle qu’il aimait. La colère qui l’avait aidé à tenir face à Alicia mais qui semble s’évaporer maintenant qu’il est seul pour ne laisser rien d’autre que la tristesse, sorcier qui se sent désemparé car il a l’impression de ne plus savoir à quoi ressemble un quotidien sans elle et, pourtant, il sait qu’il n’a plus le choix, que sa présence était un luxe auquel il n’avait plus le droit. Milo qui ne sait pas comment réagir, qui refuse de laisser l’abattement l’envahir totalement, lutte épuisante qui semble se créer en lui entre sa fierté et son cœur. Il refuse de céder, pourtant, car il a peur de ce qu’il adviendrait s’il laissait le chagrin l’envahir entièrement alors, pour toute réponse aux émotions qu’il ne sait gérer, il envoie un parchemin à Marcus et se rend vers le bar le plus proche – espoir vain qu’il pourrait anesthésier ce qu’il éprouvait, au moins pour quelques heures.

Elle est injuste Alicia, elle le sait. A nier ses sentiments et plus encore, ceux de Milo qui se livrait pourtant à elle de la plus sincère des façons. Elle voyait tout ce qu'ils possédaient s'effondrer là devant ses yeux par sa simple faute. Cette réaction de repli sur elle, de protection dont elle ne pouvait faire autrement que de se revêtir après tous ces derniers mois, ces dernières années aussi. Ce moment et la façon dont elle réagissait aujourd'hui, la raison qui faisait qu'elle n'arrivait pas à l'inviter à prendre plus de place dans sa vie et dans son cœur, parce que si elle finissait par le perdre, lui aussi, que lui resterait-il ? Milo était devenu si important pour elle qu'elle avait peur de le perdre en lui laissant plus de place, en acceptant de faire confiance en leur avenir, en eux. Elle avait perdu trop de personnes importantes à sa vie, on l'avait abandonné et forcé à partir aussi, on avait même brûlé son appartement et ses derniers et plus précieux souvenirs. Elle avait finalement pratiquement tout perdu Alicia, une mère, un père, l'unité de sa famille, ses meilleures amies, sa seconde famille et maintenant, elle perdait Miles. Et une part d'elle essayait de la rassurer en lui disant qu'il valait mieux qu'il s'en aille maintenant que si elle n'avait été plus loin, mais elle sait au fond de son cœur Alicia, qu'il est déjà trop tard. Elle aimait Miles, quoiqu'elle en dise ou n'assume. Et elle brisait le cœur de celui qu'elle aimait de l'amour le plus sincère qu'elle a pu un jour éprouver pour quelqu'un. Il n'était pas seulement son collègue, son ennemi devenu amant, il était devenu tout Milo, son amour, son ancre, son équilibre et d'une certaine façon, la meilleure partie d'elle-même. Elle le sentait à la façon dont il avait le courage et l'honnêteté d'assumer ce qu'il ressentait et de le lui exposer lorsqu'elle n'y arrivait pas et gâchait tout. Ces mêmes mots que la lionne lui renvoie pour se protéger et laisser aussi, peut-être, une morsure qui elle espérait puisse lui faire comprendre son point de vue ou au mieux, le faire reculer. Si Miles la détestait, ne serait-ce pas plus simple de tout refouler plus fort encore ? Avait-elle même envie de revenir à ce sentiment là finalement ? Alicia voit à la façon dont l'anglais délie ses bras et la regarde avec un air de pure trahison qu'il est trop tard et qu'elle a finalement creusé elle-même la tombe de ce qu'ils avaient été. Et Miles le lui fait parfaitement comprendre par la façon dont il lui répond à lui en glacer le sang. Alicia avait tout gâché et elle était incapable de réparer les choses maintenant, figée face à ses mots alors qu'elle avait l'impression que son être entier souffrait d'une tempête inarrêtable et ravageant tout sur son passage. Les papiers signés, sa main qui les récupère lorsqu'il les plaque contre elle et la boule logée dans sa gorge gonfle, si fort qu'elle lui fait mal. Il n'a pas encore passé le pas de la porte que les premières larmes glissent sur ses joues. Ses mains tremblantes décalent le sujet qui aura été leur perte. Miles l'aimait et elle le réalisait à peine. Miles l'aimait et c'était la meilleure des choses qui aurait pu lui arriver, de se savoir aimée par celui à qui son propre cœur était dédié, celui en qui elle pouvait confier sa vie sans douter un seul instant, celui qui régnait au siège de ses affections. Il l'aimait mais elle n'avait pas su lui rendre son amour et être prête pour l'aimer en retour à ce jour. Il l'aimait et maintenant il la détestait. Et d'une certaine façon, Alicia se détestait aussi pour lui avoir fait ça, elle n'imaginait même pas une façon de s'en pardonner un jour. Elle était celle qui avait tout gâché et qui lui avait brisé le cœur, celle qui s'effondrait dans son appartement après son départ. Celle qui s'effaçait de sa vie vingt minutes plus tard et qui emportait avec elles toutes ses affaires, ne laissant derrière elle que le vide après son passage et mille souvenirs qui maintenant lui feraient mal à en crever.