Il est temps. Temps de prendre la route des couloirs de Poudlard pour une ronde en solitaire. Cela ne dérange pas Ann. La solitude, le silence, le calme. Non, cela ne dérange pas la Gryffondor. Cela permet une introspection, une sorte de méditation. Un appel à la réflexion, à la rêverie. Certains lui demandent si elle n'a pas peur de patrouiller seule car, si le château est magnifique et chaleureux de jour, il peut faire peur durant la nuit avec les fantômes qui vont, qui viennent sans bruits et sans prévenir parfois. Et puis, la lumière est moindre. Ann répond toujours que le château, même de nuit, possède une poésie sans pareil. Son âme -parce qu'elle est persuadée que l'endroit à une âme- reste intacte, peut-être plus apaisée, plus douce sans doute. Elle a parfois l'impression d'être une extraterrestre Ann mais cela ne dérange pas l'adolescente. Cet univers qu'elle se fabrique depuis qu'elle est enfant, c'est qui elle est après tout.

Ann sort de la salle commune des Gryffondor, bien consciente que certains de ses camarades vont tenter de braver l'interdit du couvre-feu. Elle peut attendre derrière le portrait de la Grosse Dame, ne pas se fatiguée mais sincèrement, ce n'est pas du tout son truc. Elle n'est pas aussi diabolique. Elle s'éloigne, le sort de luminosité étincelant au bout de sa baguette. La lueur de la lune guide Ann, l'apaise. Elle s'arrête devant l'une des immenses fenêtres pour la contempler pendant plusieurs minutes, un sourire sur les lèvres. Une présence à ses côtés lui fait détourner les yeux, c'est l'un des fantômes de l'école. Un fantôme sympathique et plutôt bavard par ailleurs. Elle l'écoute plusieurs minutes, s'imprégnant de l'histoire qu'il raconte, hochant la tête lorsqu'il le faut puis elle s'éloigne lorsqu'il termine, le remerciant. Sa ronde continue.

Le silence est alors interrompu par des bruits de pas dans les escaliers. Elève récalcitrant ? Préfet en ronde ? Professeur ? Elle n'en a aucune idée alors elle suit le bruit, se terre dans le noir, posant une main sur une rambarde pour ne pas rater de marche. La personne qu'elle perçoit grâce à la lueur de la baguette et de la lune ouvre une porte et disparait à l'intérieur. Un petit froncement de nez de la part d'Ann. C'est intrigant, elle ne pense pas que ce soit un préfet alors il n'y pas plus que deux propositions qui tiennent. Elle espère que ce n'est pas le bureau d'un professeur car elle va se sentir bien idiote. Elle pose sa main sur la poignée, ouvre la porte d'une main tandis que l'autre porte sa baguette qu'elle de nouveau allumer. Devant elle, ce n'est pas un professeur mais bien une élève qui se tient. Une Sperpentard qu'elle connaît car elles se côtoient au club de dessin du château. Elle hausse un sourcil : Tiens, bonsoir Mlle Levetzow. J'espère que tu as une excellente excuse pour être en dehors de ton dortoir après le couvre-feu ? Elle lui laisse une chance de s'expliquer, comme pour chaque personne qu'elle prend sur le fait.

Elève récalcitrant ? Préfet en ronde ? Professeur ?

Elève récalcitrant, et… Multirécidiviste. Natalia n’en était pas à son coup d’essais dans ses déambulations nocturnes. Elle devait à la maison Serpentard un nombre de points assez significatifs depuis sa première année. Si elle additionnait tout ce qu’elle avait pu faire perdre aux siens, nul doute que le résultat serait déroutant et donnerait des envies de meurtres à celles et ceux qui jouaient la compétition entre les maisons. Heureusement pour la vipère, ses bons résultats assuraient aussi des points positifs pour les verts et argents, si bien que tout cela devait s’équilibrer. Qui plus est, elle avait toujours pu mener sa barque sans forcément perdre des points, entre amitiés qui étaient nées, et aussi pour toutes les fois où elle ne s’était pas faite attraper.

La fin d’année approchait, charriant avec elle toutes formes d’angoisses chez la Serpentard. Sa brouille avec Ophelia lui prenait tellement la tête qu’elle ne mangeait plus, retombant dans ses travers alimentaires qu’elle pensait avoir réglé il y a quelques années. Pourtant, avoir faim lui faisait du bien. C’était une douleur qu’elle pouvait contrôler à sa guise, une douleur qu’elle s’infligeait, elle-même. Personne n’y était pour quelque chose, elle en avait la maitrise. Son père n’y pouvait rien, sa mère non plus. Le pouvoir, elle l’avait. A cette émotion toute adolescente se disputait sa rationalité d’adulte. Elle savait qu'elle se punissait surtout elle-même, surtout que ses parents n'en avaient rien à faire tant qu'elle vivait pour être mariée à une bonne famille de sang pur anglais.

Pour l'heure, Natalia était en vadrouille. Elle avait laissé une partie de son nécessaire à dessin au club et elle voulait le récupérer pour aller dessiner de nuit une partie du château. Avant de sortir donc, il lui fallait faire un crochet par la salle du club. Un petit sortilège pour déverrouiller la porte et hop, elle s'introduisit dans la salle. Elle alluma sa baguette et se dirigea naturellement vers ses affaires. A peine avait-elle mis la main dessus que la porte s'ouvrit dans son dos, diffusant la lueur d'une baguette.

Une préfète. La main sur son petit coffret en bois sculpté et gravé de ses initiales, Natalia se tourna complément vers l'intruse pour la dévisager de ses grands yeux bleus cerné de noir. Mademoiselle Levetzow sortait toujours apprêtée, même en fraude. La douceur de la nuit lui laissait les épaules nues dans son bustier qui montait jusqu'à sa gorge.

« Bonsoir, mademoiselle Sally-Anne Perks. »

Elle lui adressa un léger sourire de courtoisie, même si elle prenait un malin plaisir à l'appeler par son prénom entier. Elle reporta son regard sur le coffret posé sur lequel ses doigts étaient lascivement disposés. Du bout de ces derniers, elle le tapota doucement pour le faire résonner et ainsi attirer l'attention de la lionne.

« Avec les examens, je suis un peu tête en l'air. J'ai oublié mon nécessaire de dessin ici, je venais juste le récupérer. » Elle n'avait pas besoin de savoir la suite. Mais avant de sortir les crocs venimeux pour se heurter aux griffes de la Gryffondor, elle tentait bien de l'amadouer en faisant preuve de sincérité et de sa prestance naturelle. « Tu sais ce que c'est… Quand l'art s'impose à nous on n'y résiste pas. Je trouve… » Elle embrassa du regard les fenêtres obscures. On pouvait y voir les étoiles. « Que les nuits comme celles-ci sont propices au dessin.   » Et l'acier de ses yeux chercha l'approbation de ses homologues qui leur faisaient face, en se reportant sur eux.