Le parchemin est plié et confié à la chouette qui piaille joyeusement sur le rebord de la fenêtre. Un fin sourire étire les lèvres de Willow alors qu’elle caresse tendrement les plumes de l’animal qui s’envole ensuite avec la missive adressée à Seamus. Elle n’avait pas vraiment prévu de lui écrire, pas si tôt après être rentrée chez elle mais elle en avait eu envie, besoin, même, pour affronter cette journée et celles qui viendraient encore. Elle était toujours anxieuse quand elle se retrouvait chez elle parce qu’elle savait qu’elle serait confrontée à la seule personne qui lui brisait le cœur en permanence sans qu’elle ne cherche à faire quoi que ce soit. Face à son jumeau, elle se transformait en cette sorcière timide qu’elle était lors de ses premières années, loin de la lionne qui rugissait pour défendre les siens ou pour se protéger au moindre affront. Ses parents ne faisaient rien pour arranger les choses, et même si elle les aimait de tout son cœur, cette neutralité commençait à lui peser de plus en plus. Soupirant, elle quitte sa chambre et son regard croise celui de Wyatt qui se trouvait dans la sienne avant qu’elle ne se contente de détourner le regard et de faire quelques pas. Elle repense à sa mère, à cette conversation qu’elle avait initié le matin même quand elle avait confié que la distance de sa moitié lui pesait de plus en plus – sa mère qui n’avait fait que lui dire que c’était compliqué pour lui, qu’elle devait le comprendre et qu’elle devait faire des efforts dans l’espoir qu’un jour tout redevienne comme avant. Comme si c’était facile pour elle, comme si elle ne souffrait pas de son absence et de cette impression d’avoir tout foiré par sa nature de sorcière. Elle passait ses journées à se torturer, Willow, à se demander si elle ne ferait pas mieux de renoncer à cette magie qu’elle apprivoise peu à peu et à cette vie qui était désormais la sienne ne serait-ce que dans l’espoir de retrouver un peu de son affection. Devoir être celle qui fait des efforts l’épuise. Pire, elle se sent prête à exploser à chaque instant, comme c’est le cas à ce moment-là. Ses parents acceptaient bien sa nature, eux, alors pourquoi pas lui ? D’autres avaient été capables de l’accepter à Poudlard sans même la connaître – Jax, Warren, Bea, inconnus qui étaient devenus pour elle de véritables frères et sœur quand Wyatt n’était plus qu’un souvenir qui s’estompait un peu plus à chaque journée passée sans s’adresser un mot.

Et elle sent à ce moment-là sa détermination qui s’enflamme quand son self-control, lui, se brise. Willow tourne les talons et entre dans la chambre de Wyatt. « Il faut qu’on parle. » Elle claque la porte derrière elle, ne lui laissant pas l’occasion de l’éviter cette fois. Elle était agacée de devoir si souvent prendre sur elle, de devoir faire comme si elle était coupable quand elle n’avait rien fait d’autre qu’être elle-même. Elle n’était quand même pas si compliquée à aimer, pas vrai ? C’était pourtant l’impression qu’il lui donnait, celle qu’elle ne pourrait jamais être totalement aimé, celle qu’on finira toujours par l’abandonner à cause de tout ce qu’elle était. « J’en ai rien à foutre si t’as pas envie de parler mais moi, j’ai des trucs à dire et tu vas m’écouter. » Sa voix est ferme alors que ses mains tremblent, cœur tambourinant si fort contre sa poitrine qu’elle a l’impression qu’elle finira par défaillir n’importe quand. « Je suis ta sœur. T’as l’air de l’avoir oublié, puisque t’as pas été foutu de m’accorder un mot qui fait plus de deux syllabes ces dernières années. Depuis qu’on sait que je suis une sorcière, en fait. » Elle insiste sur ce mot, la née-moldue, car elle sait que c’est ça qui a causé leur division, que c’est ça qu’il n’arrive pas à gérer. « Je suis peut-être une sorcière, mais je reste toujours la même. Je suis toujours celle qui passait plus de temps à trébucher dans la boue qu’à rattraper la balle que tu m’envoyais, je suis toujours celle qui criait sur les idiots qui avaient le malheur de t’embêter, je suis toujours celle que tu réconfortais quand je me faisais mal. » Elle n’avait pas tant changé que ça, finalement – si la magie était-là, elle restait cette sœur qui l’avait aimé de toutes ses forces et qui avait continué, même quand lui semblait avoir tout oublié de leur lien. « J’ai rien fait de mal et pourtant, quand je vois comment tu me regardes, j’ai l’impression d’être… d’être un monstre, Wyatt, et j’en ai marre. J’ai plus l’intention de me taire en attendant que tu daignes bien être mon frère à nouveau. » Elle croise ses bras sur sa poitrine pour cacher le tremblement de ses mains qu’elle ne parvient pas à calmer alors. Tout s’embrouille en elle alors qu’elle ne sait pas par quoi commencer tant elle a de choses à dire, après tout ce qu’elle avait réprimé ces dernières années. « T’es mon jumeau et il serait tant que tu recommences à agir comme tel ou ce sera trop tard. » Son regard qui croise le sien et qui essaye de déchiffrer ce qu’il peut bien ressentir sans y parvenir – elle qui parvenait à le comprendre si facilement quelques années plus tôt, avait désormais l’impression de se retrouver devant un inconnu qui s’acharnait à piétiner son cœur.

Wyatt,

Si tu voyais comme tout est trop chouette et beau ici ! Le château est immense et il y a de la magie partout, je sais vraiment plus où regarder ! Je comprends pas toujours tout, mais j’ai rencontré Jax et Warren qui sont vraiment trop gentils avec moi, je suis un peu moins perdue. Tu sais ici, ils connaissent tous déjà tout à la magie ou presque alors j’ai l’impression que je vais devoir travailler encore plus fort si je veux les rattraper mais c’est pas grave car j’ai vraiment trop hâte de tout apprendre. C’est un peu chiant car j’ai demandé et apparemment j’ai pas le droit de me servir de la magie hors du château pour l’instant alors je peux pas te montrer en revenant pendant les vacances… Mais promis je vais t’écrire tous les jours pour tout te raconter.
Tu me manques en tout cas et j’ai hâte de rentrer pour te revoir.

Je t’aime,
Willow.

Wyatt,

T’as pas encore répondu à ma lettre mais c’est pas grave, tu l’as peut-être pas reçu. J’espère que t’auras celle là en tout cas ! Je suis désolée de pas avoir écrit tous les jours comme j’avais promis mais j’ai trop de choses à faire et je suis déjà trop en retard. En tout cas il y a des choses un peu moins chouettes ici tu sais, j’ai pas tout compris mais certains sorciers trouvent que je suis nulle parce que nos parents ne sont pas des sorciers. Il y en a même un qui m’a dit que j’étais une sang-de-bourbe mais c’est quoi ça déjà ?? Il paraît que c’est une insulte mais bon ça veut vraiment rien dire, ils sont bizarres ces sorciers.
Je voudrais que tu sois avec moi, on passerait notre temps à se moquer de ces idiots qui savent même pas insulter correctement.
Vivement ta lettre, j’ai envie de savoir si tu vas bien.

Je t’aime,
Willow.

Wyatt,

Je commence vraiment à m’inquiéter car ça fait un mois que je suis à l’école et j’ai pas de nouvelle de toi. Tu vas bien ? Nos parents me disent que oui et que je dois pas m’inquiéter mais t’es mon jumeau et je sens que quelque chose va pas. T’es peut-être trop occupé avec ta rentrée, je suis désolée j’ai été nulle comme sœur je t’ai même pas demandé si ça a été. J’espère que t’es pas avec ce naze qui t’avait embêté sinon je lui lance un sort (j’ai pas le droit mais pour toi je le fais quand même).
Je voudrais tellement que tu rencontres Jax et Warren, sans eux je pense que je serais totalement perdue. C’est presque comme avoir des nouveaux frères, tu vois ? Même si évidemment, c’est toi mon jumeau avant tout.
Écris moi, s’il te plaît.
Je t’aime,
Willow.

Wyatt,

Je suis désolée, vraiment désolée, j’ai jamais voulu être une sorcière tu sais ? Moi je veux juste être Willow, ta Willow, je veux pas être une sorcière si ça te met en colère. C’est pour ça que tu m’écris pas ? Tu m’en veux d’avoir des pouvoirs et d’être bizarre ? Je te promets que j’ai pas voulu tout ça et que si je pouvais, j’abandonnerai tous mes pouvoirs pour redevenir juste Willow. Je sais pas quoi faire Wyatt car je sens bien que t’es fâché mais c’est pas ma faute, j’ai pas le choix. Je voudrais être avec toi à l’école, je voudrais venir te piquer tes goûters et dire des bêtises jusqu’à ce que t’arrêtes de m’en vouloir et que tu rigoles en disant que je suis bête.
Je suis désolée Wyatt, pardon d’être une sorcière et d’avoir tout gâché.

Je t’aime et je t’aimerai toujours, même si tu dois m’en vouloir toute ta vie.
Willow, ta sœur pour toujours.*

*Les lettres datent des premières semaines à Poudlard. Dans un élan de colère, Willow a arraché la dernière lettre et ne l’a pas envoyé après avoir hésité pendant des jours.

Elle a si souvent espéré, Willow. Elle a espéré que Wyatt finisse par accepter celle qu’elle était, qu’il cesse de lui en vouloir pour quelque chose qu’elle n’avait jamais désiré et qui s’était imposé à elle. Pourtant ses espoirs étaient restés vains, année après année et elle avait fini par arrêter, par se contenter de cette situation où ils n’étaient plus que des étrangers vivant sous le même toit et passant leur temps à s’ignorer. Seulement tout change et elle sent bien que si elle espère trouver un minimum de stabilité, elle se doit de régler ce qui lui pèse tant quotidiennement, ce qui l’empêche de maîtriser ses pouvoirs pleinement. C’est que parfois, elle rejette cette nature de sorcière qui lui a coûté sa relation avec son frère, que ça l’empêche de se concentrer et d’être en phase avec qui elle était. Seulement il fallait que ça cesse, qu’elle ait enfin les réponses qu’elle méritait si elle voulait avancer. Alors Willow lui fait face et si habituellement il lui est aisé de tenir tête au premier imbécile qui la chercherait un peu trop, c’est différent car c’est Wyatt et qu’elle pourrait tout perdre, le perdre lui plus encore et qu’elle n’est pas sûre de pouvoir le supporter véritablement. Sourcils froncés face à ce qu’il lui annonce alors, elle ne sait pas d’où vient ce qu’il peut ainsi lui dire alors qu’elle n’a jamais eu l’occasion de faire une croix sur eux. Elle avait écrit, était revenue à chaque vacances dans l’espoir de retrouver pleinement sa famille pour finalement se retrouver face à son indifférence et à son manque d’intérêt pour ce qui était désormais sa vie. « J’ai jamais fait de croix sur vous, tu racontes n’importe quoi. » Bras toujours croisés sur sa poitrine, elle parvient encore à garder son calme en faisant un effort qu’elle juge surhumain. Son regard reste rivé sur son jumeau, peinant à comprendre comment la situation avait ainsi pu se dégrader au point d’avoir perdu la complicité qui les liait autrefois. Les mots qui suivent la poussent pourtant à serrer la mâchoire alors qu’elle sent bien qu’en dépit de tous les efforts du monde, elle n’arrivera pas à se contrôler bien longtemps. C’était Wyatt, face à elle, l’une des seules personnes capables de véritablement la heurter. « J’reviens car j’ai envie de voir ma famille, en fait, car c’est ce que vous êtes même si t’as l’air de vouloir m’exclure. Arrête de parler pour nos parents parce que tu sais très bien que t’es le seul à avoir des problèmes avec ma magie. » Ses parents avaient toujours essayé de comprendre ce monde nouveau dans lequel elle évoluait, s’étaient même efforcés de l’interroger quand bien même ils ne comprenaient pas toujours tout ce qu’elle racontait. Mais chaque année, ils l’amenaient sur le chemin de traverse pour faire ses courses de rentrée et avant chaque rentrée, ils lui répétaient à quel point ils étaient fiers d’elle. Hors de question qu’elle ne se mette à douter de cela à cause de Wyatt, Willow le refusait. Ses mots continuent à l’énerver et cette fois, elle décroise les bras qui étaient contre sa poitrine. Leurs regards se croisent et elle reconnaît cette colère qui baigne ses iris, cette colère qu’elle connaissait si bien parce qu’elle l’était souvent, Willow. Elle était si souvent en colère que ça l’épuisait, que ça la vidait et qu’elle ne savait pas comment dompter ce sentiment qui lui collait à la peau. Cette colère qui revient mordre son palpitant car elle ne comprend pas, n’arrive pas à se mettre à sa place et ne le veut pas vraiment. « Putain tu crois que j’ai choisi tout ça ? Tu crois que j’ai voulu qu’on m’envoie loin de chez nous, dans un monde que j’connaissais même pas, à devoir supporter les remarques à la con de sorciers qui me considéraient comme une moins que rien parce que nos parents sont pas des sorciers ? » Ses bras qui s’emballent alors que la sorcière peine à rester en place et à ne pas exploser alors qu’elle a déjà abandonné l’idée de ne pas le laisser l’atteindre. C’était trop tard, de toute façon, car c’était son frère et qu’il pouvait si facilement lui briser le cœur que rien ne pouvait la protéger. « J’ai pas choisi d’être une sorcière. J’leur ai demandé si j’pouvais rentrer, si j’pouvais faire comme si j’avais pas de pouvoir mais ça marche pas comme ça Wyatt. » Combien de fois avait-elle espéré que tout ne soit qu’un mauvais rêve, au début ? Combien de fois avait-elle espéré se réveiller dans sa chambre, courir jusqu’à Wyatt et finir sa nuit avec lui comme quand elle faisait un cauchemar et qu’il s’empressait de la rassurer ? « J’ai même fini par me détester parce que j’étais différente et que je t’aimais tellement que j’refusais d’accepter que ce soit ta faute. » Elle fait un pas vers lui, Willow, et soutient son regard quand bien même elle sent son cœur battre à tout rompre et lui intimer de faire demi-tour, lui intimer de retourner dans sa chambre loin de son jumeau. « Sauf que j’ai fini par comprendre que c’est pas de ma faute mais de la tienne, car t’as jamais fait le moindre effort pour accepter qui je suis. C’est ta faute si on en est là aujourd’hui. » Elle déglutit la née-moldue et elle sait, qu’elle n’arrangera rien, qu’elle devrait prendre du recul pour essayer de réfléchir à ses mots, à ce qu’il peut bien ressentir mais elle n’y arrive pas, envahie par cette tristesse mêlée à sa si familière colère. Et qui de mieux pour éveiller cette dernière que celui qui piétinait son cœur depuis des années déjà ?

Elle n’aurait jamais du le confronter, Willow, chose dont elle était désormais convaincue. Car elle sait que rien ne ressortira de bon de ce qui était en train de se passer entre eux, que la rancœur qu’elle éprouvait ne lui permettait pas de se mettre à la place de son jumeau, que le sentiment d’injustice qui était le sien ne daignait pas le quitter alors qu’elle avait l’impression d’avoir fait de son mieux toutes ces années. Combien de fois avait-elle désiré le retrouver, combien de fois lui avait-elle parlé pour se retrouver face à un mur ? Combien de fois ses parents l’avaient incité à faire preuve d’une patience qu’elle n’avait pas ? Elle ne voulait pas attendre, Willow. Elle voulait son frère, à sa juste place près d’elle. Elle voulait qu’il l’écoute, qu’il la fasse rire quand elle avait envie de pleurer à cause du premier imbécile qui lui a brisé le cœur, qu’il se chamaille avec elle sur le choix de la série qu’ils regarderont à deux, qu’il partage avec elle son quotidien, qu’il soit le frère qu’il avait été un jour et qu’il avait cessé d’être du jour au lendemain quand sa magie s’était manifestée. Elle voulait sa moitié et peut-être alors qu’elle cesserait d’être aussi souvent en colère contre la terre entière. Elle était épuisée, Willow, d’être si constamment énervée, d’être incapable de contrôler le feu qui faisait rage en elle et qui n’était si facilement attisée, de s’emporter à la moindre contrariété. Chaque explosion ne la soulageait pas mais venait plutôt l’empoisonner un peu plus, sorcière prisonnière d’un sentiment destructeur qu’elle détestait imposer à ses proches. Alors, quand elle réalise que la discussion ne va pas dans son sens, quand elle comprend alors qu’ils sont incapables de trouver un terrain d’entente, la lionne sent l’émotion si familière lui mordre le cœur, étincelles qui crépitent et menacent de mener au plus terrible des incendies. « Tu comprends vraiment pas et ça m’étonne pas en fait, car tu t’es jamais vraiment intéressé à ce que je faisais là-bas. » La née-moldue avait pourtant tout raconté à chaque fois qu’elle rentrait, heureuse de partager avec sa famille ce qu’elle vivait au sein du château. Il était là Wyatt, à chaque fois, alors que ses parents étaient les seuls à l’interroger et à vraiment se soucier de ce qu’elle pouvait dire, au point qu’elle se demandait s’il avait écouté. Et quand leurs regards se croisent, Willow est surprise de lire les mêmes flammes que celles ravageant tout sur leurs passages chez elle, incapable de comprendre ce qui pouvait le rendre tant en colère alors qu’elle estimait qu’il était le seul coupable. Pourtant, elle savait au fond qu’ils étaient similaires sur ce point comme sur tant d’autres, qu’ils réagissaient tous les deux par des explosions aux conséquences douloureuses. Ses mots la frappent alors sans qu’elle ne les saisissent, incapable de comprendre ses accusations. Et alors qu’elle aimerait prétendre qu’il n’avait pas le pouvoir de l’atteindre, elle sait que c’est faux, qu’il était encore aujourd’hui celui capable de la détruire si l’envie lui prenait. Parce que chaque mot la faisait douter, de tout, d’elle, du comportement qu’elle avait pu avoir. Elle n’avait jamais manipulé qui que ce soit, du moins elle n’en avait pas l’impression et pourtant, elle se retrouve à douter de sa propre sincérité quand elle n’avait jamais rien désiré d’autre qu’avoir son jumeau à ses côtés. « Putain mais tu t’entends ? Ouais t’es fautif, car la seule chosee je veux c’est avoir mon frère à mes côtés et le seul obstacle à ça c’est toi en fait. » Elle persistait Willow, incapable de renoncer et de céder du terrain quand elle avait si longtemps souffert de leur situation.

Pourtant tout s’effondre ensuite car il l’accuse encore Wyatt, accusation d’avoir gâché leur vie qui frappe un peu trop son palpitant aux abois depuis de longues minutes déjà. Et s’il avait raison, cette fois ? Et si c’était elle, l’égoïste qui avait gâché leur relation, gâché leur vie de famille par son désir d’unir ces deux mondes si différents sans vouloir renoncer à l’un des deux ? Et si c’était sa faute s’ils se retrouvaient dans cette situation, à se déchirer après des années d’un silence insupportable ? Elle se met à douter, ce qu’elle croyait impossible encore quelques secondes à peine mais Wyatt s’était immiscé dans une brèche présente depuis si longtemps qu’elle en passait presque inaperçu au milieu des nombreuses fêlures de Willow – la crainte qu’être une sorcière soit en réalité la véritable source du problème, peur d’avoir été l’anomalie, celle qui avait semé la discorde au sein de leur famille autrefois si unie. Tout bouillonne chez elle et elle en aurait presque le tournis tant elle ne sait plus où donner de la tête, accablée par ses accusations. Et puis, soudain, tout s’efface et il ne reste que cette injonction, ce souhait formulé si distinctement qu’elle ne peut pas l’avoir rêvé. J’ai même plus envie que tu fasses partie de ma vie. Elle refuse, Willow, elle refuse de croire qu’il pense véritablement ce qu’il dit, qu’il la déteste au point de vouloir se débarrasser d’elle. J’ai même plus envie que tu fasses partie de ma vie. Pourtant son regard s’accroche désespérément au sien, cherche la moindre étincelle qui pourrait prouver qu’il ment, qu’il ne pense pas un instant ce qu’il venait de dire. Elle se confronte pourtant à un mur, à des flammes qui laissent entendre qu’il est sincère. J’ai même plus envie que tu fasses partie de ma vie. Et c’est à cet instant que son cœur se brise, que les fissures deviennent morceaux explosés sur les vagues de son désespoir. Son propre jumeau la détestait tellement qu’il voulait se débarrasser d’elle et par Merlin, elle était certaine de n’avoir jamais eu aussi mal. La brune sent sa gorge se nouer et soudainement, tout devient difficile. Chaque inspiration lui donne l’impression que des lames de rasoir s’enfoncent dans ses poumons, chaque battement de cœur devient un appel à l’aide, chaque souvenir les unissant revient la frapper avec une force qui pourrait la terrasser si sa fierté n’était pas la dernière armé la poussant à rester debout et à ne pas s’effondrer à ses pieds. « Fuck you! » Juron qui quitte ses lippes alors qu’elle s’embrase, solution trouvée pour ne pas laisser le chagrin l’emporter sur le reste quand bien même elle a les larmes aux yeux. « Tu sais quoi Wyatt ? T’as raison en fait. » Et la volonté nouvelle, celle qu’elle n’avait jamais éprouvée avec lui mais qui lui semble être l’exutoire parfait : elle veut qu’il souffre, Wyatt, qu’il ait mal autant qu’elle, qu’il sente son cœur agoniser sous le poids de ses mots. « J’préfère carrément être une sorcière qu’être ta sœur en fait, et si j’devais recommencer j’changerais absolument rien. J’choisirai mes pouvoirs, encore et encore. » Et c’est faux, terriblement faux, mais elle garde la tête haute Willow, refusant de lui laisser l’occasion de voir ce qu’il avait été capable de créer par ses mots. « J’ai pas besoin de toi. J’ai trouvé une famille là-bas, ils me comprennent et ils m’aiment pour ce que j’suis. Toi par contre, personne pourra jamais t’aimer vraiment, t’es trop mauvais. T’as perdu la seule personne qui t’aimait inconditionnellement de toutes ses forces, même quand t’agissais comme le pire des cons. » Et peut-être qu’elle va trop loin, elle aussi, mais elle agissait comme une lionne blessée, acculée, qui n’avait d’autre choix que d’attaquer avant de défaillir. « T’inquiètes pas. J’rentrerai plus pour les vacances, et j’chercherai même plus à te voir quand j’serais dans le coin. » Dernier regard vers son frère, vers son jumeau, vers celui qui ne deviendrait bientôt rien de plus qu’un inconnu avec des souvenirs. « A partir d’aujourd’hui, t’es plus rien pour moi. J’ai plus de frère. » Et avant de s’effondrer, avant de regretter et de s’excuser, elle tourne les talons et quitte la chambre, claquant la porte derrière elle.

C’est dans sa propre chambre qu’elle se réfugie, la verrouillant derrière elle et seulement alors s’autorise-t-elle à laisser libre court à ses émotions. C’est comme si soudainement, elle venait d’ouvrir les vannes libérant des torrents de colère et de chagrin alors qu’elle s’effondre sur son lit, saisissant l’oreiller qu’elle vient blottir contre lui alors que les premiers sanglots lui échappent. Au même moment, sa magie crépite et explose, magie qu’elle avait tant peiné à contrôler devant Wyatt. Une première explosion vient éclater la vieille télévision qui trônait dans sa chambre alors qu’une autre vient faire tomber un cadre d’elle et son jumeau, enfants, s’éclatant au sol, débris de verre qui s’éparpillent et font échos à ce qu’était leur relation désormais. La réalité de ce qui venait d’arriver la frappe encore alors qu’elle enfouit son visage dans son oreiller pour y étouffer ses larmes, peinant à contrôler sa poitrine qui se secoue à chaque sanglot. Elle sait Willow que tout sera différent, qu’elle venait de perdre le dernier espoir d’un jour retrouver son frère, deuil qu’elle devra s’imposer mais qu’elle peinait encore à tout à fait accepter. Pour l’instant, elle ne pouvait rien faire d’autre que laisser le chagrin l’envahir, que supporter ces vagues dans lesquelles elle se noyait sans réussir à reprendre son souffle en se demandant si un jour, elle sera capable d’oublier les mots tranchants qu’il avait utilisé avec elle, si un jour, elle parviendra à réparer ce palpitant qu’il venait d’achever.